D’abord dessinées, puis fabriquées par l’artiste à l’échelle d’une maquette, les sculptures de Susumu Shingu entrent dans un dialogue harmonieux avec leur environnement, réenchantant l’espace. À Chambord, le public a pu découvrir pendant cinq mois une sculpture flottante sur le canal, dans l’axe du château, mais aussi ses pages de carnets témoignant d’une troublante proximité avec ceux de Léonard et, pour la première fois hors du Japon, un projet de village utopique actuellement en cours de construction dans les environs de Kobe.
Susumu Shingu (né en 1937) est aujourd’hui considéré comme l’un des artistes les plus importants de la scène japonaise. Au fil de multiples expositions en Asie, aux États-Unis et en Europe, il a acquis une notoriété grandissante qui lui a permis d’intégrer nombre de collections publiques et privées. À ce jour il a installé plus de 200 sculptures dans des espaces publics du monde entier.
Formé à la peinture des maîtres italiens pendant six années à Rome, il se tourne ensuite vers un travail qui compose sans cesse avec les éléments naturels : eau, vent, gravité… Ses sculptures sont mises en mouvement par les flux, incarnations poétiques d’un monde dans lequel le geste artistique révèle l’énergie naturelle. C’est ainsi que l’artiste a pu créer à Sanda, non loin d’Osaka et Kobé, le « Musée du Vent Susumu Shingu », vaste espace naturel dans lequel ses sculptures dansent avec le vent, révélant la présence, habituellement invisible, de l’air qui les entoure.
La dimension écologique de son œuvre est évidente, et a trouvé un écho parfait dans un domaine lui aussi dédié à la nature ; mais le rapport à Chambord, l’année même du 500ème anniversaire célébrant le début de la construction du château et de la mort de Léonard de Vinci, était bien plus étroit encore. Ingénieur mécanique, Susumu Shingu partage de troublantes analogies avec Léonard : obsédé comme lui par la question des flux et du mouvement perpétuel, il utilise également des carnets sur lesquels il jette de nombreuses idées (dessins et textes), qui constituent un témoignage à la fois émouvant et saisissant d’un esprit toujours en quête.
Plus encore, il a conçu depuis quelques années l’idée d’un village utopique, dédié aux arts, dans lequel des artistes seraient invités à collaborer ensemble, projet qui entre en résonance avec cette « utopie à l’œuvre » qu’est Chambord.
Les salles d’exposition ont dévoilé au public la maquette de ce village, des sculptures suspendues, accompagnées de dessins et de carnets de l’artiste, permettant au visiteur de pénétrer dans son univers à la fois onirique et parfaitement agencé. À l’extérieur du château, plusieurs œuvres, dont une magnifique sculpture flottante sur le canal, soulignaient à la fois la parenté avec le Maître florentin et la fascinante énergie d’une œuvre en harmonie avec le monde.
L’exposition a été présentée avec le soutien de la galerie Jeanne Bucher Jaeger.