Écrivains à Chambord : cycle de lectures 2024

Cette année, le cycle de lecture des "Écrivains à Chambord", initié en 2011, se poursuit avec 4 rencontres programmées le dimanche après-midi entre avril et novembre :
*14 avril : Léna Ghar
*1er septembre : Katrina Kalda
*6 octobre : lecture-conférence de Marc-André Selosse
*3 novembre : Michel Jullien

 

Dimanche 3 novembre

Pour la dernière rencontre de cette édition, nous accueillerons Michel Jullien, auteur de plusieurs ouvrages parus aux éditions Verdier dont Vu d’un cercle, recueil de nouvelles paru en mars dernier dont il lira des extraits.

Après avoir travaillé dans l’enseignement et l’édition, et s’être adonné à sa passion, l’escalade en montagne, Michel Jullien se consacre à l’écriture. La précision éblouissante, poétique, sensorielle de son style et la tendresse qu’il nourrit pour ses personnages caractérisent son œuvre et se confirment dans Vu d’un cercle.

Chacune des 13 nouvelles qui composent ce recueil est une plongée dans un univers singulier où, avec une habileté renouvelée, Michel Jullien nous installe progressivement dans une histoire, nous transportant dans une autre époque. En effet, chaque nouvelle se situe entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle et nait d’un fait divers ou d’une anecdote légère que la plume de Michel Jullien magnifie.

Les destins de ses personnages émeuvent et nous surprennent. Ils sont quincailler, bibliothécaire, banquier, céramiste ou encore astronome. L’auteur les regarde à la loupe et confronte sa plume à la précision de leurs tâches, de leurs gestes et à la spécificité de leur métier, rendant ainsi compte de la richesse de notre langue et de son exactitude. Il en est de même pour les paysages que l’auteur décrit avec des ressources langagières infinies. Cela se retrouve incarné par l’un de ses personnages, le ferronnier, qui transmet à ses enfants le goût du vocabulaire en s’adonnant avec eux à des exercices muni du Petit Larousse (L’Ennuyé).

La langue juste et ciselée de Michel Jullien est comme une lentille grossissante sur ces êtres aux existences ordinaires. Il explore leurs obsessions, leurs fantaisies, leurs brèches de folie plus ou moins grandes qui les poussent parfois jusqu’à la mort. Comme cet alpiniste autrichien qui, sans précaution aucune, veut redescendre la montagne par le chemin le plus court et dont des touristes observent les errances et les chutes à travers une lunette depuis leur hôtel (Vu d’un cercle). L’auteur semble s’en donner à cœur joie en narrant cette scène incongrue car ce sont souvent les situations les plus improbables qui rendent les personnages inoubliables et hors-normes.

Tous les sens du lecteur sont convoqués, provoquant sur lui comme une attirance exercée par les personnages dont il se sent au plus près. Le ton est amusé, tendrement cruel, sans aucune moquerie car l’auteur porte sur eux un regard affectueux, pudique parfois, faisant naître une douce âpreté et un moment de littérature absolument savoureux.

Michel Jullien sera à Chambord le dimanche 3 novembre pour lire des extraits de ce dernier recueil de nouvelles. La rencontre se poursuivra par une séance de dédicaces avec la librairie Lire et écrire de Mer (41) et se clôturera autour d’un verre de l’amitié.

Dimanche 3 novembre à 15h – château de Chambord

Précédentes lectures

Dimanche 6 octobre

Avec son dernier ouvrage Nature et préjugés (Actes Sud, mars 2024), Marc-André Selosse propose de nous libérer des idées reçues sur la nature et de nous étonner, de nous émerveiller. Il nous raconte, avec un goût prononcé pour le récit, une histoire naturelle qui nous enracine étroitement dans le monde du vivant : l’histoire des plantes, des microbes, des animaux, y compris de nous-mêmes.

L’humain interagit avec une multitude d’autres organismes et est étroitement lié à de nombreux écosystèmes. Il est temps, selon le biologiste, de nous penser comme un ensemble, de reprendre conscience de nos liens avec la nature et de les rendre vertueux. Les notions d’altérité, d’entraide et de savoir-vivre parcourent ces dix essais passionnants, accessibles à un lectorat non spécialiste.

Marc-André Selosse déconstruit avec bienveillance et notes d’humour les préjugés qui nous empêchent de bien comprendre le monde du vivant. Au fil des pages, tel un chemin que nous empruntons accompagnés par l’enthousiasme du biologiste, nous modifions notre regard porté à la nature. L’observer éclaire notre avenir. Les sciences du vivant peuvent aider à anticiper et résoudre les crises actuelles en proposant des pistes sereines pour agir, dans les domaines sanitaires, alimentaires, environnementaux, même dans les relations entre hommes et femmes. Nous devons nous préparer à une évolution perpétuelle. « La science peut aider à le faire, et en anticipant, à éviter de subir passivement les cahots de ce chemin ».

À Chambord, Marc-André Selosse a proposé une conférence aussi dynamique que passionnante à l’issue de laquelle, comme après avoir refermé le livre, le public a sûrement été saisi d’une soif de connaissances.

 

Un mot sur l’auteur

Marc-André Selosse est biologiste spécialisé en mycologie et en microbiologie du sol, botaniste et professeur au Muséum d’histoire naturelle. Il enseigne dans plusieurs universités en France et à l’étranger. Ses recherches portent principalement sur la symbiose. Il est l’auteur chez Actes Sud de plusieurs essais de vulgarisation dont L’origine du monde, une histoire naturelle du sol à l’intention de ceux qui le piétinent (2021) et participe à l’édition de revues scientifiques telles Espèces et New Phytologist.

 

 

 

Dimanche 1er septembre

Lecture de Katrina Kalda

Pour la deuxième rencontre littéraire de cette année, initialement prévue le 5 mai, nous avons accueilli la romancière Katrina Kalda et Joël Grare, compositeur et percussionniste. Ils ont offert une lecture musicale (percussions et sanza) d’extraits de La mélancolie du monde sauvage publié aux éditions Gallimard (2021). 

 

 

Ce quatrième roman raconte la vie de Sabrina, artiste exilée dans la montagne. Son enfance est étriquée, elle a l’étroitesse de l’appartement modeste qu’elle partage avec sa mère. La vie de Sabrina bascule lors d’une visite scolaire au musée Rodin. Face aux sculptures, elle est submergée par la beauté des corps qu’elle semble voir s’animer. Le choc est profond, il est avant tout physique car l’adolescente n’a pas encore les mots pour l’exprimer. Il déclenche une frénésie d’apprendre, de créer et surtout une vocation. Étudiante aux Beaux-Arts, puis artiste, Sabrina échappe à son milieu et trouvera en l’art, tout au long de sa vie, une force émancipatrice et consolatrice. Mais le geste artistique est aussi source de questionnement existentiel. L’art aide-t-il à vivre ? Que peut-il à l’annonce d’une catastrophe ou en temps de crise ? La beauté suffit-elle ? Peut-elle rivaliser avec les injustices, la brutalité du monde ? La narratrice ne cessera de douter, d’osciller entre élans, découvertes et découragement.

À travers Sabrina, sa conscience du monde et sa quête intime, ce sont nos fragilités, nos peurs, nos contradictions, nos solitudes que questionne Katrina Kalda. L’autrice, avec grâce et humilité, nous rappelle à quel point l’art et la beauté sont vitaux et doivent être accessibles à tous. La contemplation est une liberté, l’émerveillement une nécessité pour nous sentir vivant et trouver notre place dans le monde.

Cette rencontre était suivie d’un échange avec le public puis d’une séance de dédicace.

 

 

 

Dimanche 14 avril

Pour la première rencontre de cette nouvelle édition, nous avons accueilli la jeune romancière Léna Ghar. Une voix nouvelle et singulière comme la promesse de belles rencontres à venir…

Avec Tumeur ou Tutu (publié aux éditions Verticales en août 2023), Léna Ghar signe un premier roman puissant. La narratrice, de ses trois ans à l’âge adulte, est rongée par une créature, « une monstre » qui vit dans sa tête et que personne d’autre ne voit. Nommer le mal qui la tourmente est l’obsession de sa vie, pour tenter d’être « incluse dans l’humanité ». L’enfant habite dans une « praison » avec sa mère Novatchok, maltraitante, son père Swayze, qui reste silencieux, et ses frères. Elle scrute son quotidien dévastateur avec une sincérité brute et rageuse. La vie intrafamiliale est violente et dépose sur le langage en construction des marques comme des plaies à vif. Les mots se percutent, s’assemblent pour en créer de nouveaux, se confondent avec les mots des autres, s’enfouissent, blessent.

À l’adolescence, la narratrice convoque le langage mathématique car il a l’avantage d’apporter une réponse unique à ses problèmes. Quelle prise sur le monde et comment vivre quand on n’a pas les mots, quand on n’a personne à qui parler, quand l’indicible anéantit, brûle de l’intérieur ? « J’ai du magma sur la langue, des volcans partout à l’intérieur des joues. » Le corps est l’expression du mal-être profond.

L’autrice travaille les stigmates de la langue : les hurlements, le silence, l’humiliation, l’empêchement, l’insuffisance des mots courants. Tumeur ou tutu est le roman d’une réinvention, d’une langue qui surgit, s’élargit. L’écriture de Léna Ghar offre une expérience originale. Le roman est un monologue chapitré très court, haletant dont l’autrice lira quelques passages.

La rencontre était animée par Audrey Gaillard, libraire et elle-même écrivaine, nouvellement chargée de la programmation de ces rencontres littéraires. La lecture était ponctuée de temps d’échanges avant de se clôturer par une séance de dédicaces.

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