Les lanternons restaurés

1519. Un palais surgit au cœur des terres marécageuses de Sologne. François Ier, tout jeune roi, en ordonne la construction. C’est une œuvre architecturale monumentale que le roi se plaît à montrer aux souverains et ambassadeurs comme un symbole de son pouvoir, inscrit dans la pierre. Le plan du château et ses décors sont conçus autour d’un axe central : le fameux escalier à double révolution, inspiré par Léonard de Vinci, spirale ascendante qui mène du rez-de-chaussée aux terrasses sur lesquelles culmine la tour-lanterne.

Les parties hautes de Chambord sont un élément essentiel du château, c’est par elles que le visiteur appréhende le monument à distance. Elles composent cette silhouette caractéristique émergeant de la forêt. La composition architecturale du château, et celle des parties hautes en particulier, est une expression savamment étudiée de la toute-puissance de la monarchie de droit divin de François Ier, toute imprégnée de la culture personnelle du roi, faite à la fois de chevalerie et du culte de l’Antiquité et de l’humanisme italien dans lequel l’a élevé sa mère, Louise de Savoie.

Les différents états historiques des lanternons aux XIX e et XX e siècles

À l’époque révolutionnaire, le château subit le pillage de son mobilier et de nombreuses destructions qui le laissent dans un état de grand délabrement : les couvertures en plomb des terrasses, celles des lanternes et des tourelles avaient disparu ; la pourriture avait altéré la solidité des magnifiques charpentes en chêne des grands combles. (Louis-Victor Desbois et son fils Victor Desbois, Chambord, notice sur les travaux de restauration exécutés au château de 1882 à 1894, Paris, 1894.)

Les plombs de l’atelier Monduit

Les ornements de plomb réalisés à la fin du XIXe siècle pour les lanternons de Chambord sont l’œuvre de l’ancien atelier parisien Monduit Fils. Spécialisé en plomberie d’art, celui-ci intervient sur de nombreux chantiers, comme celui de la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris ou de la statue de la Liberté.

Trois des quatre tours du donjon de Chambord reçoivent leur ornementation de plomb entre 1895 et 1898 mais la dernière, dite tour Dieudonné (tour ouest), reste inachevée en raison du décès du duc de Parme. Pourtant, une partie du décor a bien été livrée au château en 1899. Salamandres, colonnes et candélabres restent en caisses, remisés dans un cabinet du château pendant plus d’un siècle…

Les caisses contenant les anciens plombs de l’atelier Monduit sont ouvertes et inventoriées en 2016. Leur redécouverte en parfait état a permis de recréer, avec la plus grande exactitude, les décors d’origine grâce au savoir-faire de l’atelier Loire Ornements. En 2014, la fleur de lys sommitale destinée à la tour ouest du château de Chambord est également identifiée au château de Pierrefonds (donnée en 1969 par Madame Pasquier-Monduit, héritière des plombiers d’art).

Stephen A. Schwarzman, grand mécène de Chambord

Le Domaine national de Chambord remercie M. Stephen A. Schwarzman, grand mécène de Chambord, de son soutien. Après son don en 2017 pour financer les travaux de restitution des jardins à la française, M. Stephen A. Schwarzman exprime encore une fois sa passion pour le Domaine national de Chambord : « Chambord est un trésor national, d’une grande importance tant pour le patrimoine culturel et le peuple français que pour la communauté internationale. Je suis fier d’apporter de nouveau mon soutien à cette restauration pour permettre aux générations futures de profiter et de se nourrir de tout ce que Chambord offre ».

 

 

Biographie de Stephen A. Schwarzman

Stephen A. Schwarzman est président directeur général et cofondateur de Blackstone, l’une des plus grandes sociétés d’investissement du monde. Blackstone totalisait, au 30 juin 2023, un trillion de dollars d’actifs sous gestion et des activités de capital-investissement, ainsi qu’une forte présence dans le secteur immobilier, le domaine des fonds spéculatifs, des sociétés de crédit et dans les infrastructures et les sciences de la vie. Tant dans la philanthropie que dans les affaires, M. Schwarzman se consacre à la résolution de problèmes majeurs en proposant des solutions significatives. Parmi les projets les plus importants qu’il ait réalisé, M. Schwarzman a fait don de 200 millions de livres pour la création d’un nouveau centre à l’université d’Oxford, afin de redéfinir l’étude des sciences humaines à l’aune du XXIe siècle. Il a participé, à hauteur de 350 millions de dollars, à la création d’un nouveau collège au MIT dédié à l’étude de l’intelligence artificielle. Il a également fait don de 150 millions de dollars pour la construction d’un centre étudiant unique en son genre à Yale et de 100 millions de dollars pour rénover et agrandir la  bibliothèque publique de New York. Par ailleurs, M. Schwarzman a fondé Schwarzman Scholars, un programme international de bourses d’études à l’Université Tsinghu à Pékin pour instruire de futurs dirigeants sur la Chine. Bénéficiant d’un financement de 450 millions de dollars, le programme s’est fortement inspiré de la bourse britannique Rhodes et constitue le plus grand projet philanthropique dans l’histoire de la Chine, dont les fonds proviennent en majeure partie de donateurs internationaux. En plus de Chambord, M. Schwarzman est aussi mécène du Musée du Louvre et du Musée des Arts Décoratifs. La République française a décerné à M. Schwarzman la Légion d’Honneur et l’Ordre des Arts et des Lettres au rang de Commandeur. Il est l’un des rares américains à avoir reçu ces deux distinctions en reconnaissance de ses contributions importantes au bénéfice de la France. Il a également été honoré en tant que récipiendaire de l’Ordre de l’aigle aztèque, la plus haute distinction mexicaine pour les étrangers, pour son travail au nom des États-Unis en faveur de l’accord États-Unis – Mexique – Canada en 2018. M. Schwarzman est détenteur d’un baccalauréat ès arts (B.A.) de l’Université Yale et d’un M.B.A. de la Harvard Business School.

 

Le chantier de restauration des lanternons

Lancé en 2021 et achevé en juin 2023, le chantier des six lanternons du château, placé sous la direction de François Chatillon, architecte en chef des monuments historiques depuis 2004, a été mené en une seule opération. Hormis quelques interventions ponctuelles de réparation, aucune intervention de restauration n’avait été menée sur les lanternons depuis plus de 50 ans.

 

Consolider et protéger les charpentes

L’urgence était de protéger les charpentes qui risquaient d’être attaquées par des infiltrations et des problèmes de stabilité. Les échafaudages ont permis dans un premier temps de déposer les couvertures d’ardoises et de plomb des lanternons et de constater leur état sanitaire. En effet, trois des six charpentes des lanternons présentaient notamment un problème de maintien structurel et de nombreux défauts d’étanchéité. L’intervention a porté sur la réparation de désordres sanitaires, notamment la reprise des charpentes, les défauts d’assemblage, le redressement, la consolidation de pièces maîtresses et de contreventements inhérents à leur structure, le remplacement des pièces de bois trop abimées mais aussi la reprise de l’étanchéité des couvertures en plomb et en ardoise.

 

Retrouver l’unité du décor, le projet de restitution

L’analyse de l’évolution des toitures montrait plusieurs états décoratifs successifs constitués d’épis de faîtage imposants et d’ornements à la base du dôme, dans une unité stylistique avec les décors de pierre de la tour-lanterne et ceux des cantons. L’état avant les travaux, relativement nu par rapport aux parties hautes en dentelle de pierre foisonnante, nuisait à la perception d’unité du décor. Cet état résulte d’un choix esthétique « minimaliste » privilégié en 1950 lors de la reconstruction des toitures du canton Henri V. Détruites en 1945 lors d’un incendie, elles avaient été rebâties dans le style très sobre de la première moitié du XIXe siècle. À la suite, les lanternons François I er et Caroline de Berry ont été restaurés sur le même modèle, en supprimant les ornements mis en place à la fin du XIXe siècle, entraînant un certain contraste avec le décor en pierre. La commission nationale de l’architecture et du patrimoine, sur le rapport du ministère de la Culture, a entériné la restitution des décors de plomb – fleurs de lys, salamandres et candélabres – et la dorure des girouettes dans leur dernier état connu, celui de la deuxième moitié du XIX e siècle.

 

Chiffres clés

– 6 lanternons restaurés (les quatre du donjon en plomb et deux en ardoise)
– 12 mètres de hauteur avec la girouette (10,3 mètres sans)
– 15 tonnes (poids d’un lanternon)
– 80 tonnes d’échafaudages sur 54 mètres de hauteur
– 30 personnes ont travaillé sur le chantier
– Près de quatre millions d’euros ont été nécessaires à cette restauration

Les entreprises et corps de métiers

Tel un laboratoire à ciel ouvert, cette restauration des lanternons de Chambord a accueilli des corps de métier exceptionnels qui ont relevé le défi de la conservation des matériaux anciens et variés : bois, plomb, ardoise. Trois entreprises de la région Centre-Val de Loire ont œuvré sur ce chantier : Guèble (groupe Villemain) a assuré le montage des échafaudages ; Battais-Centre et les Ateliers Perrault ont restauré les charpentes. Le travail d’ornementation a été effectué par l’atelier Loire Ornements, situé dans le département du Maine-et-Loire. Secondé par Les Couvertures de Loire ils ont retravaillé et restitué l’ensemble des décors en plomb. Labellisé Entreprise du Patrimoine Vivant, l’Atelier Mariotti a réalisé la dorure des girouettes des lanternons et l’Atelier Tollis a travaillé la polychromie des dômes en plomb. Les couvertures ont été restaurées par le groupe UTB. Deux lanternons ont une couverture en ardoise (Tour de la Chapelle et Tour Robert de Parme), quand quatre lanternons du donjon présentent une couverture en plomb ( Tour Dieudonné, Tour François Ier , Tour Henri V et Tour Caroline de Berry).

Restitution du carillon de Chambord

Tel un point final au chantier de restauration des lanternons, le carillon de Chambord, composé de neuf cloches, est installé en septembre 2023 dans la tour Henri V à l’emplacement même des anciennes cloches du XVIIe siècle. Chambord fait appel à Alexandre Gougeon, artisan campanaire de Loir-et-Cher et fondeur de cloches pour la réalisation du carillon.

Quelques repères

En 1683, le roi Louis XIV commande une horloge de façade pour le château de Chambord à l’horloger Gilles Martinot. Le cadran est installé dans la baie centrale de la façade sud du donjon, au 2e étage. Il est relié à un mécanisme implanté dans la tour sud voisine (au niveau des terrasses) et à trois cloches dans le lanternon. La tour sud du donjon (aujourd’hui appelée « Tour Henri V»)
est dès lors désignée comme la « Tour des cloches » dans de nombreux plans et documents anciens. Le système de cloches est modifié au moment de la réfection des combles et de la lanterne de la tour Henri V. Malheureusement, cet ensemble sonnant les heures est en partie détruit ou démonté après l’incendie accidentel qui a détruit les combles de cette tour le 7 juillet 1945.

France Relance

Les crédits de relance auront permis d’initier le chantier de restauration des six tourelles, évitant d’étaler la restauration sur cinq années mais contribuant au soutien de la filière du patrimoine par un chantier d’une qualité et d’une ampleur exceptionnelles.

Le chantier aurait dû démarrer en plusieurs phases en 2020 au rythme d’un à deux lanternons par an. Le premier confinement avait entraîné l’arrêt de tous travaux sur le château pendant près d’un an. Les crédits monuments historiques et les crédits libres d’affectation accordés au Domaine national de Chambord par Madame Roselyne Bachelot, ministre de la Culture à titre de soutien, dans le cadre du plan de relance, ont permis de reprendre tout le chantier d’un seul tenant. Ce regroupement a ainsi permis d’offrir à des entreprises et des artisans du patrimoine, très fragilisés par les conséquences économiques des confinements successifs, un chantier solide qui fait appel à une large gamme de métiers. Pour certains artisans (ornemanistes, doreurs), il est rare d’accéder à une opération qui assure autant de travail en même temps.

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