Architecture

Malgré l’extraordinaire renommée du château de Chambord et l’intérêt qu’il a suscité au cours des siècles parmi les historiens, l’énigme de l’identité de son architecte n’est pas encore levée. Un mystère qui s’explique par l’absence presque totale d’archives concernant le chantier royal, celles-ci ayant été dispersées ou détruites à la fin du XVIIIe siècle. Aucun plan, aucun texte contemporain de la construction ne cite précisément le nom de celui qui imagina puis « traça les traits » de l’un des édifices les plus remarquables de la Renaissance.

L’influence de Léonard de Vinci

Bien que l’identité de son architecte demeure inconnue, le château de Chambord est une création architecturale exceptionnelle, influencé par le travail de Léonard de Vinci.

À la suite de la bataille de Marignan, François Ier découvre les merveilles de l’architecture italienne et le travail de Léonard de Vinci. Lors de son retour en France en 1516, François Ier invite le génie polymathe à séjourner à la cour de France en tant que « premier peintre, architecte et ingénieur du roi ».

Son influence dans la conception du projet de construction de Chambord se retrouve dans la comparaison entre des partis architecturaux adoptés à Chambord et les croquis qu’il a réalisés dans ses carnets. Le plan centré du donjon, la présence d’un escalier à double révolution, d’un système de latrines à double fosse et conduit d’aération ou encore le système d’étanchéité des terrasses, sont autant d’indices qui font de lui l’inspirateur de l’œuvre de François Ier.

Le plan centré en croix grecque

La partie centrale du château de Chambord est le donjon.

Ce bâtiment carré cantonné de quatre tours d’angle occupe le centre du complexe actuel. Il constitue à lui seul le nouveau palais de François Ier au commencement des travaux. Ce n’est qu’à partir de 1526 environ (marquant le retour du roi de France de deux ans de captivité à Madrid à la suite de la défaite militaire de Pavie) que l’édifice s’enrichit de deux bâtiments latéraux et d’une enceinte fermant la cour.

La composition interne du donjon est d’une ordonnance inédite en France et constitue un trait d’italianisme indéniable. Il s’agit d’un plan centré en croix grecque : les quatre faces du bâtiment s’ouvrent sur de grandes salles de 9 m de large et 18 m de long formant une croix grecque. Au centre se déploie le monumental escalier à doubles-révolutions. Enfin, la salle en croix détermine dans les angles des cantons d’habitations constitués de logis standardisés.

L’ornementation des parties hautes du donjon et du château, hérissées de cheminées et de tourelles d’escalier, évoquent le style des châteaux forts.

Pourtant, à l’époque de la construction du château de Chambord, ces formes traditionnelles de l’architecture médiévale sont depuis longtemps caduques. En effet, dès le milieu du XVe siècle, les progrès réalisés dans le domaine de l’artillerie avaient rapidement rendu les châteaux forts obsolètes. La persistance d’éléments architecturaux médiévaux du château de Chambord n’est pourtant pas à considérer comme le résultat d’une lente évolution des habitudes des constructeurs. Au contraire, le donjon du château de Chambord, ses tours d’angle, son enceinte et ses douves en eau évoquent une puissance militaire toute allégorique, à défaut d’être réelle. Plus de trente ans après la fin de la construction des derniers châteaux forts, ces éléments constituent de véritables citations architecturales d’un autre temps. Ils évoquent alors, aux yeux des contemporains de François Ier, le monde périclitant de la chevalerie, dont le jeune souverain, dernier roi-chevalier, garde une profonde nostalgie.

L’escalier "magique" du château de Chambord

Le château présente un escalier aussi remarquable par son ordonnance que par sa position dans l’édifice. Il est construit en plein centre du donjon, à la croisée de quatre vastes salles. Il se compose de deux rampes jumelles hélicoïdales s’enroulant l’une au-dessus de l’autre autour d’un noyau creux et ajouré. Cet escalier dit « à double révolution » dessert les étages principaux de l’édifice, jusqu’aux terrasses sommitales où il est surmonté par la plus haute tour du château, la tour-lanterne.

Il exerce depuis le XVIe siècle la même fascination sur les visiteurs du château, d’une part pour la prouesse architecturale qu’il représente, d’autre part pour la mise en scène qu’il induit. En effet, deux personnes empruntant chacune l’une des rampes s’aperçoivent par les fenêtres aménagées dans le noyau mais ne se rencontrent jamais. Un jeu dont se régalent toujours les touristes, à l’instar des hôtes du château au cours des siècles.

L’agencement des façades

À l’image des monuments de l’Antiquité romaine, comme le Colisée, ou des édifices italiens du Quattrocento (le XVe siècle italien), les façades du château de Chambord offrent une grande lisibilité du plan du château depuis l’extérieur. Les niveaux habitables sont visuellement séparés par un bandeau mouluré, ou corps de moulure, courant à l’horizontale sur toute la largeur de la façade. Dans le sens vertical, le rythme est donné par des piliers aplatis, ou pilastres, sur lesquels les bandeaux semblent reposer. La disposition de ces éléments forme un quadrillage à l’italienne, immuable et régulier. C’est dans cette trame que viennent s’enchâsser les différents types d’ouvertures, qui donnent à la façade son aspect modulaire. Ces préoccupations formelles se manifestaient déjà dans quelques autres demeures du Val de Loire (Chenonceau, Blois, Azay-le-Rideau…), mais la géométrie du plan du château de Chambord est unique, car elle n’a pas été contrainte par des accidents de terrain ou des constructions antérieures conservées.

Le décor sculpté

Les édifices de la Première Renaissance (1420-1500) sont décorés d’ornementations inspirées des décors des palais de Toscane et du Milanais. Les pilastres, les médaillons, les candélabres et les rinceaux envahissent alors les façades, les lucarnes ou les souches de cheminée… Au château de Chambord, ces éléments sont traités avec une étonnante virtuosité et une grande liberté formelle, bouleversant les traditions italiennes pour les adapter au goût français. La finesse du travail des sculpteurs est remarquable. Les motifs végétaux, aux élégantes volutes peuplées de figures pittoresques, forment des rinceaux qui s’entrelacent dans les chapiteaux de l’escalier central. Les parties hautes du château, au foisonnement et à la verticalité encore gothiques, s’adaptent pour s’enrichir d’un vocabulaire ornemental renaissant, intégré aux traditions locales sans toutefois s’y substituer.

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