À l’occasion de la parution récente de Chant balnéaire aux éditions Allia, nous avons été heureux de recevoir à nouveau Oliver Rohe à Chambord, pour ce 2e rendez-vous littéraire de l’année, plus de dix ans après sa résidence.
C’est en effet cet écrivain qui inaugura, au printemps 2011, le programme de résidence d’artiste tout juste créé dans un appartement du château. Il avait alors sorti ses deux premiers romans chez le même éditeur (Défaut d’origine en 2003, puis Terrain vague en 2005), suivis d’Un Peuple en petit chez Gallimard, en 2009.
Membre fondateur de la revue, puis de la maison d’édition Inculte, il y a publié différents textes interrogeant notamment le genre romanesque (Résistance au matériau) ou de grandes figures tutélaires (Fragments, Face à Sebald). Écrivain rare, Oliver Rohe a fait paraître, juste après sa résidence, Ma dernière création est un piège à taupes, un récit singulier évoquant l’invention dans l’immédiat après-guerre, par Mikhaïl Kalachnikov, du fusil qui porte son nom, puis À fendre le cœur le plus dur, co-écrit avec Jérôme Ferrari, en 2015.
À part le court Déplacements forcés, paru en 2019 à la Villa Empain, Rohe revient donc, avec Chant balnéaire, après un silence de presque sept années… Sans doute le romancier avait-il besoin de ce temps long pour donner un texte qui affronte, plus radicalement, son expérience biographique de la guerre et de ses déchirures dans le Liban de son enfance. Car si Oliver Rohe a maintes fois abordé le motif de la violence ou de la guerre dans ses publications, s’il a également souvent évoqué son pays d’origine, jamais la langue ne s’était jusque là frottée de manière aussi inventive à ce “défaut d’origine”, pour reprendre son premier titre. Le livre met en scène ce qui, au fond, pourrait constituer le “récit d’origine” de tous les exils causés par la guerre : dans le Liban des années 80, un adolescent fuit la guerre civile et s’installe, avec sa mère et sa sœur, dans un bungalow exigu d’une station balnéaire désertée en hiver, surpeuplée en été. Dans le temps et l’espace distordus par la guerre, l’adolescence s’invente entre amitiés, fugues et premiers amours. Mais c’est par sa dimension à la fois poétique et épique que le livre trouve sa singularité et sa beauté : Oliver Rohe se trouve comme contraint à l’invention d’une langue, mêlant poésie et récit, voix et sensations, afin de dire au plus près l’indicible de soi dans la violence du monde.
C’est à l’écoute de cette langue splendide, de ce chant rauque et opiniâtre que nous avons invité le public à tendre l’oreille…