Écrivains à Chambord : cycle de lectures 2025

En 2025, six rendez-vous littéraires sont programmés le dimanche à 15h :

* 2 février : Sylvain Prudhomme, accompagné de Marion Bortoluzzi
* 2 mars : Abdellah Taïa
* 6 avril : Alice Ferney
* 7 septembre : Hélène Gaudy
* 5 octobre : Bruno David (conférence)
* 2 novembre : Julia Deck

Julia Deck - 2 novembre

Pour clôturer le cycle des rencontres littéraires de l’année 2025, nous accueillerons l’écrivaine Julia Deck le dimanche 2 novembre à 15h.

Julia Deck est lauréate du prix Médicis 2024 pour son dernier livre Ann d’Angleterre (Éditions du Seuil), qui fait suite à cinq romans précédents, dont Viviane Élisabeth Fauville (2012, adapté en pièce de théâtre), Propriété Privée (2019) et Monument National (2022), publiés aux Éditions de Minuit et traduits en plusieurs langues.

Les livres de Julia Deck se distinguent par leur construction littéraire rigoureuse, leur tension narrative soutenue, ainsi que par un ton sarcastique et ironique. L’autrice explore avec justesse les relations humaines et les apparences, dépeignant avec humour nos travers, nos mesquineries et nos préjugés. Ses personnages ambivalents, souvent suspects, mêlent réalité et tromperie, laissant les lecteurs captivés et déstabilisés.

Ann d’Angleterre occupe une place particulière dans l’œuvre de Julia Deck, puisqu’elle s’éloigne de la fiction pour un récit autobiographique. En 2022, sa mère est victime d’un accident cérébral, déclenchant un long et douloureux cheminement. L’autrice décrit un système hospitalier en crise, ainsi que les difficultés psychologiques et administratives pour obtenir une prise en charge digne et adaptée. La disparition imminente de sa mère fait émerger l’urgence de raconter son histoire. Née après la guerre en Angleterre dans une famille ouvrière, Ann se passionne pour la littérature, s’émancipe et s’installe en France. Paradoxale et insaisissable, cette femme est explorée à travers l’écriture de sa fille, dans un récit qui oscille entre rire et désespoir, révélations et mystères, besoin de savoir et peur de la vérité. Ann d’Angleterre est également une ode à la littérature et à la puissance des fictions, interrogeant le lien entre écriture et vie.

À l’occasion de sa venue à Chambord, la rencontre portera sur l’ensemble de son œuvre et sera ponctuée de lectures. Elle sera suivie d’un temps d’échanges avec le public et d’une séance de dédicaces, en partenariat avec la librairie Lire et Écrire de Mer.

Crédit photo : Droits réservés

Bruno David - 5 Octobre

Tradition oblige, une des rencontres du cycle était consacrée à une conférence autour d’un sujet sur l’homme et la nature. Cette année, nous avons eu le plaisir d’accueillir Bruno David.

Bruno David est un scientifique, naturaliste, spécialisé en paléontologie et en sciences de l’évolution et de la biodiversité. Il est l’ancien Président du Muséum national d’histoire naturelle, il a été chercheur au CNRS et directeur de l’unité « Biogéosciences ».

Dans un souci de transmission et de travail de pédagogie, il donne régulièrement des conférences, tient sur France Culture des chroniques (Le pourquoi du comment : science ; Le Monde vivant) qui ont donné lieu à des publications à destination du grand public.

Dans son livre, Le jour où j’ai compris (Grasset, 2023), Bruno David explore sa propre trajectoire : d’une prise de conscience précoce, mais partielle, de la pollution uniquement, à une compréhension plus globale dans les années 90 de la surexploitation des animaux, du déclin de la biodiversité et du changement climatique. Il revient sur tous les moments forts, personnels et collectifs, qui ont jalonné ce cheminement.

Il resitue les informations dont disposait le grand public et son mode de consommation pour répondre aux accusations parfois prononcées par la jeune génération « les boomers sont responsables ».

Heureusement, notre sensibilité collective a pris de l’ampleur ces dernières décennies, mais cette lente prise de conscience ne se traduit pas toujours en acte. Loin d’opposer les générations, Bruno David souhaite au contraire que toutes prennent ensemble à bras le corps le sujet, car les marges de progression sont considérables. Des solutions existent, notamment dans le domaine de la biodiversité.

À travers ce témoignage, Bruno David veut rester optimiste et rappelle que nous sommes à l’origine du problème, nous pouvons donc être à l’origine des solutions. Une juste répartition des efforts est nécessaire. Les comportements, toutes générations confondues, peuvent et doivent changer. Une multitude de petits gestes peut avoir des conséquences importantes. La difficulté est de sensibiliser les publics et de faire accepter la nécessité d’actions sans provoquer le rejet.

À Chambord, Bruno David a parlé de sa prise de conscience de la crise de la biodiversité, ponctuant son récit d’anecdotes plus personnelles, extraites de son livre Le jour où j’ai compris.

Crédit photo : JF PAGA

Hélène Gaudy - 7 septembre

Pour cette 4e rencontre de l’année, nous avons eu l’honneur d’accueillir Hélène Gaudy.

Hélène Gaudy est une écrivaine française. Son dernier roman Archipels (éditions de L’olivier, 2024) a fait partie des quatre finalistes du Prix Goncourt 2024. Elle a publié également des ouvrages pour la jeunesse et des livres d’art.

Hélène Gaudy accorde dans son œuvre une grande attention aux lieux, particulièrement aux paysages marins. Archipels nait de la découverte de l’île Jean-Charles prête à être engloutie par la hausse du niveau des océans. La coïncidence avec le prénom de son père mène l’écrivaine dans un projet singulier et intime : découvrir ou redécouvrir cet homme. Qui est ce père discret, à la parole rare, qui n’évoque jamais ses souvenirs ?  L’auteure arpente ainsi l’atelier où il a peint, écrit et accumulé toutes sortes de curiosités. Elle s’appuie sur ses objets et les lieux qu’il a visités pour sonder sa mémoire et constituer son portrait. Elle lit les poèmes, les lettres, les carnets qu’il accepte de lui confier.

Ce livre devient alors un cheminement à deux où les mots de la romancière et ceux de son père se mêlent. Écrire, c’est créer un lien entre eux, transmettre un souvenir par le silence, renouveler son regard sur la personne que l’on croit connaitre.

L’écrivaine découvre l’enfance de son père marquée par la guerre, son engagement en tant qu’artiste, ses premières amours et ses colères. En enquêtant sur lui, elle remonte à l’histoire de ses grands-parents et à leurs actes de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale.

Archipels est un magnifique récit de filiation qui interroge la mémoire et sa transmission. Un roman d’une grande pudeur, mélancolique, à l’écriture raffinée et poétique. À travers cette géographie intime, Hélène Gaudy rend le silence habitable et offre aux lecteurs et lectrices un texte sensible d’une grande élégance.

À l’occasion de sa venue à Chambord, Hélène Gaudy a lu des extraits de ce dernier livre.

Alice Ferney - 6 avril

Alice Ferney est l’autrice de treize romans, tous publiés aux éditions Actes Sud, récompensés par divers prix et traduits dans une dizaine de langues. L’élégance des veuves et très récemment L’intimité ont été adaptés au cinéma (ce dernier par Carine Tardieu sous le titre L’Attachement).

L’écrivaine interroge avec acuité notre époque, les traces laissées par l’Histoire et mène une réflexion pointue et actuelle sur notre société et ses changements. La précision et la fluidité narrative caractérisent son œuvre qui aborde les thèmes de la féminité, la maternité, la vie conjugale, le sentiment amoureux, les relations humaines et leurs fragilités mais aussi la guerre et l’engagement.

Alice Ferney, en grande observatrice de notre condition humaine, puise dans nos comportements, nos modes de vie, nos choix, nos contradictions pour déployer des histoires et saisir des personnages dans ce qu’ils ou elles ont de plus enfoui. Elle nous livre leurs questionnements intimes qui sont aussi collectifs. Très souvent, ses romans sont polyphoniques, l’écrivaine alternant ainsi les points de vue pour dépasser l’individuel et déplier toute une complexité. Elle nous emporte au plus près des émotions de ses personnages et de leur voix intérieure, avec une tension et une minutie remarquables.

Deux innocents, son dernier roman (mars 2023, prix Europe 1 – GMF), est inspiré d’une histoire vraie. Claire enseigne dans un établissement qui accueille des jeunes en difficulté. Elle accomplit son métier avec cœur et avec foi, ce qui lui vaut d’être très appréciée des parents et des enfants. L’arrivée d’un nouvel adolescent, Gabriel, renfermé et triste, va bouleverser sa vie. Claire, par sa tendresse et sa patience, va le faire éclore. Mais, à partir d’un soupçon, elle est prise dans un engrenage irrémédiable. L’autrice décrit cette chaine de conséquences ravageuses, elle explore avec finesse les rouages de la suspicion et questionne la frontière entre innocence et culpabilité. Une même histoire peut-elle générer des interprétations opposées ?

La rencontre organisée, à l’occasion de la venue d’Alice Ferney à Chambord, a porté plus largement sur son écriture et sur l’ensemble de son œuvre et était ponctuée de lectures.

En partenariat avec la librairie Lire & Écrire de Mer.

Abdellah Taïa - 2 mars

Abdellah Taïa est écrivain et cinéaste marocain d’expression française.

Il est l’auteur de plusieurs romans, publiés aux éditions du seuil, traduits dans de nombreuses langues, dont Le Jour du roi qui a reçu le prix de Flore 2010.

Le prix de la langue française lui a été remis à l’occasion de la publication de son dernier roman Le Bastion des larmes (Editions Julliard, 2024) lui-même récompensé par le Prix Décembre 2024.

L’œuvre d’Abdellah Taïa se place du côté des opprimés, des marginalisés et des pauvres. L’auteur dépeint sans concession les violences de la société marocaine, son intolérance, son hypocrisie et dénonce la terrible condition des minorités au Maroc. Les romans d’Abdellah Taïa entremêlent autobiographie et fiction, ils se composent de lettres, de dialogues, de monologues… Quelle que soit la forme, les voix poignantes des personnages, en quête de justice et de consolation, restent en nous.

À l’occasion de sa venue à Chambord, Abdellah Taïa a lu des extraits de son roman Le Bastion des larmes.

Youssef, professeur marocain exilé en France revient dans sa ville natale dix ans après le décès de sa mère. Il est rattrapé par des souvenirs traumatisants. Les lois qui l’ont oppressé demeurent. Au Maroc, l’homosexualité est un crime, passible de prison. Youssef retrouve ses sœurs qui ne l’ont pas reconnu dans sa différence et qui n’ont pas su le protéger des violences subies enfant. Youssef est hanté par ce paradoxe : son attachement à ses sœurs et sa colère envers elles. Pourquoi ont-elles adopté le langage du pouvoir ? Pourquoi n’ont-elles pas empêché le saccage de son enfance ? La confrontation est inévitable. L’auteur interroge les notions de vengeance et de pardon dans un style vif et implacable.

Le retour de Youssef s’accompagne d’un dialogue avec un amant qui apparaît dans son sommeil. L’écriture d’Abdellah Taïa n’est pas rationnelle. Les rêves s’interpénètrent, les voix s’entremêlent, vivants et morts se répondent.

Au milieu de la brutalité, l’expression d’Abdellah Taïa est pleine de souffle, elle est un cri qui glorifie la liberté et l’amour.

Sylvain Prudhomme, accompagné de Marion Bortoluzzi - 2 février

Sylvain Prudhomme est nouvelliste, romancier et auteur de reportages. Son œuvre est récompensée par divers prix, dont le Femina pour son roman Par les routes (Gallimard, 2019). Il y raconte la force de l’amitié, du désir, l’aspiration à la liberté et la beauté de l’existence.

La quête de vérité, l’ode à l’altérité et à la rencontre imprègnent l’œuvre de Sylvain Prudhomme, y compris dans son dernier livre, Coyote (Éditions de Minuit, 2024). Muni de son carnet et de son appareil photo, l’auteur parcourt la frontière mexicaine des États-Unis en autostop. Il saisit l’élan du voyage, capture des portraits et des bribes de vies avec cœur et sincérité.

À l’occasion de sa venue à Chambord, l’écrivain a présenté une lecture musicale de son roman L’enfant dans le taxi (Éditions de Minuit, 2023). Pour ce beau projet qui a rassemblé plus d’une centaine de personnes, il était accompagné par Marion Bortoluzzi, voix et violoncelle, qui a interprété des chansons de Barbara, Marlène Dietrich ou encore Marguerite Duras. Il s’agit de son roman le plus personnel dans lequel Simon, le personnage central, découvre le jour de l’enterrement de son grand-père l’existence de M., fils caché de l’aïeul. Ce secret obsède Simon qui veut mettre la lumière sur cette histoire familiale et libérer la parole. L’auteur déplie toute la complexité d’une vie, celle de M. mais aussi celle de Simon qui, à travers sa quête, cherche des réponses à sa propre existence. Il mène une réflexion sensible et poétique sur le temps, sur l’amour, sur le couple, sur le désir, et tente de se réinscrire dans cette histoire familiale.

La prose somptueuse du romancier explore les creux, les silences, les vertiges, les solitudes et s’approche délicatement de la vérité de nos vies. L’écriture déliée éclaire, avec grâce, les silences du passé. La littérature est le lieu de la vérité, des résonnances, l’espace où Simon peut s’approcher le plus possible de M. et tenter de le comprendre. « Ce livre est comme un livre vers lui ». Ce roman est un émouvant voyage dans l’intime. L’impression douce qu’il nous est contée au creux de l’oreille…

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