#retoursurimage (10) Exposition Bae Bien-U, d’une forêt l’autre

Exposition Bae Bien-U, d’une forêt l’autre (du 27 septembre 2015 au 12 juin 2016)

L’exposition présentée par le Domaine national de Chambord du 27 septembre 2015 au 12 juin 2016 a permis de faire découvrir aux visiteurs l’artiste Bae Bien-U, le plus grand photographe coréen d’aujourd’hui. Il a semblé particulièrement opportun d’inviter un artiste qui a passé sa vie à photographier la nature (rivages, forêts, montagnes) pour recueillir son regard singulier sur la forêt de Chambord, un domaine naturel exceptionnel d’une superficie de 5 440 hectares.

 

Une soixantaine de photographies de l’artiste, dont la majorité faites pendant sa résidence chambourdine au long cours, ont ainsi été réunies au 2ème étage du château pendant neuf mois.

Avec Bae Bien-U, le Domaine national de Chambord a accueilli le plus grand photographe coréen d’aujourd’hui. Né en 1950, formé à la peinture traditionnelle puis au design, Bae Bien-U a appris la photographie en autodidacte, et a toujours pratiqué son art de manière classique. A rebours d’une pratique conceptuelle, opposé à toute retouche de ses images, il a longtemps utilisé la chambre noire et continue aujourd’hui à travailler à l’argentique. La photographie consiste pour lui en un rendu immédiat de la subjectivité et de la sensation devant le motif. Il était particulièrement séduisant d’inviter cet artiste qui a passé sa vie à photographier la nature (les rivages, les montagnes, les forêts, et surtout les pins, qui sont devenus comme sa signature) pour recueillir son regard singulier sur la forêt de Chambord, un domaine naturel exceptionnel d’une superficie de 5 440 hectares. Bae Bien-U a ainsi séjourné une dizaine de fois à Chambord, du printemps 2014 au printemps 2015 : l’exposition a présenté les photographies issues de sa résidence ainsi que de nouvelles images de la forêt de pins sacrés de Gyeongju, au sud de la péninsule coréenne, dans un dialogue silencieux où ce qui compte est moins l’inscription géographique de chaque forêt que la vision singulière du photographe.

Il ne s’agit en effet pas pour Bae Bien-U de reproduire la nature, mais d’en construire la tension dans l’espace photographique. Il n’y a pas de recherche de profondeur de champ : tout est dans le focus de l’image où la forêt prend quasi toute la surface de la photo. Pareillement, il n’y a pas d’effet d’horizon, ou de point de vue surplombant : le sujet est souvent tronqué, parasité par des motifs adjacents, comme pour mieux dire une maîtrise paradoxale, celle d’un œil qui affiche sa volonté de ne pas donner d’image « totalisante » du sujet choisi. Cette vision à l’horizontale suscite néanmoins une forme de puissance, de profondeur que renforce le format panoramique utilisé par l’artiste, dans lequel la tension est construite par des effets de contraste marqués et des lignes très prégnantes qui structurent l’espace.

La qualité graphique et méditative des clichés est évidente, comme si l’artiste déplaçait dans le champ photographique le rapport allusif et proche de l’abstraction de la tradition picturale asiatique. Mais cette dimension se trouve contrebalancée par la volonté manifeste de saisir la nature comme phénomène physique, capturant dans son cliché l’air, les mouvements du vent sur les végétaux, le grain des troncs… Le photographe attache ainsi un soin et une délicatesse infinis à rendre la matérialité de l’objet, et non simplement telle évocation nostalgique de l’unité prétendue de la nature. Certes, la nature s’exprime à travers ces clichés, mais le photographe ajoute quelque chose qui n’est pas l’image de la nature. Si l’humain n’est pas en soi représenté dans le travail de l’artiste, sa présence en creux vient informer ses photographies, de sorte que les arbres mêmes frayent avec une humanité sous-jacente. Il n’y a pas de vision transcendante de la nature chez Bae Bien-U, mais au contraire une vision à hauteur d’homme, dans laquelle le corps du photographe est engagé. Ce que disent peut-être ces clichés, c’est une réalité et, dans le même temps, la distance que nous éprouvons face à elle, comme si la photo figeait un temps et un espace désormais inaccessibles, nourris par l’imaginaire attaché à la forêt dans l’histoire humaine. Comme si la tension sereine de l’espace donné à voir était une fiction s’affirmant comme telle, dans la beauté équilibrée d’un mirage silencieux.

Première monographie de l’artiste en France, cette exposition a inauguré l’année France-Corée, qui tend à mettre en avant la création contemporaine et l’implication des artistes des deux pays.

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