Codex Atlanticus : Études de physique sur le contrepoids et le mouvement perpétuel – Léonard de Vinci – Veneranda Biblioteca Ambrosiana -Pinacoteca (Milan) – Exposé dans une salle entièrement consacrée aux manuscrits de Léonard de Vinci.

 

Dans le cadre des célébrations de son 500e anniversaire, le Domaine national de Chambord propose au public une exposition exceptionnelle, la plus importante de son histoire, sur un sujet inédit : Chambord au passé et au futur.

En septembre 1519 débute le chantier de ce qui deviendra, sous l’impulsion de François Ier, la plus stupéfiante construction de la Renaissance française : le château de Chambord. 2019 est l’occasion pour le domaine de s’interroger sur cette architecture si singulière en proposant une exposition double, à la fois rétrospective et prospective, liant hier et demain sous les auspices de l’utopie et des architectures idéales.

Cette exposition, réalisée avec le concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France est placée sous le commissariat de l’architecte Dominique Perrault et du philosophe Roland Schaer.

La dimension historique : la genèse de Chambord

Sous le commissariat de Roland Schaer, philosophe

François Ier, roi de France,
Tiziano Vecellio, dit Titien
Vers 1539
Paris, Musée du Louvre, Département
des Peintures

La Renaissance fut en France une période d’effervescence tant sur le plan politique – avec le règne de François Ier – qu’intellectuel avec l’émergence de nouvelles préoccupations artistiques et philosophiques. L’exposition vise à interroger la construction du monument à la lumière de ce contexte singulier. Les préoccupations et espoirs de la Renaissance, la personnalité emblématique de François Ier ainsi que la place de Léonard de Vinci, mort à Amboise quelques mois avant le début de la construction de Chambord, sont mis en perspective par près de 150 oeuvres remarquables provenant des collections de 33 institutions prestigieuses dont la Bibliothèque nationale de France, le Musée du Louvre, la Galerie des Offices, le British Museum, la Biblioteca Nazionale Centrale de Florence, le Musée de l’Armée ou encore la Veneranda Biblioteca Ambrosiana de Milan.

La présentation de manuscrits enluminés du IXe au XVIe siècle, livres rares, dessins, tableaux, maquettes et objets d’art, parmi lesquels trois feuillets originaux du Codex Atlanticus de Léonard de Vinci, l’Armure aux lions de François Ier ou encore cinq dessins originaux sur vélin exécutés par le célèbre architecte Jacques Androuet du Cerceau, permettra au public de véritablement entrer dans l’architecture du monument, et d’en saisir la nouveauté radicale.

 

Le versant historique de l’exposition cherche à donner au visiteur une compréhension approfondie des éléments constitutifs du monument, nourrie des recherches les plus récentes, en le replongeant dans le contexte intellectuel, esthétique et politique de la Renaissance française. En s’appuyant sur 150 oeuvres, pour beaucoup exceptionnelles, mais également sur des dispositifs numériques, des éléments de scénographie spectaculaires (maquettes, reconstitutions, vidéos, douche sonore) et nombre de textes (citations, cartels développés, chronologies, frises et schémas), l’exposition conjugue précision scientifique, élégance de la présentation et attractivité du discours, loin de l’aridité de certaines présentations d’architecture patrimoniale.

Dans un souci de clarté et de pédagogie, elle se divise en quatre sections que le visiteur est invité à parcourir successivement afin d’en saisir simplement le propos, chemin faisant…

Cités idéales, architectures idéales

Cette première section dévoile le contexte intellectuel, religieux et historique dans lequel est conçu Chambord : l’extraordinaire floraison artistique dont l’Italie a été le théâtre au Quattrocento, l’émergence de l’architecture comme « l’art du disegno », c’est-à-dire du pouvoir de représenter et d’inventer des formes idéales, conformes aux « divines proportions » inscrites dans la nature. L’artiste, savant et créateur, rivalise alors avec Dieu. La « cité idéale »,
longtemps identifiée à la Jérusalem céleste dont l’architecte était Dieu, devient l’œuvre possible du génie inventif humain.

C’est le temps des utopies, manifestées dans les grands traités d’architecture : Alberti inaugure, au milieu du siècle, cette nouvelle tradition ; il sera suivi par « Filarète » et par Francesco di Giorgio, puis par Serlio, Palladio et bien d’autres. Le traité d’architecture, le dessin et la maquette sont autant de voies par lesquelles l’architecture est conçue et représentée avant d’être matérialisée : elle est « chose mentale ». L’architecte qui, à la différence du peintre, n’a pas à copier le réel, est inventeur de formes.

Coffre orné d’une perspective de cité idéale Marqueterie XVe siècle Gallerie degli Uffizi, Florence (Italie)

Apocalypse figurée (dite de Valenciennes) : L’ange montre à saint Jean la Jérusalem messianique Otoltus (cop.) IXe siècle Manuscrit enluminé sur parchemin Médiathèque de Valenciennes

Tous les grands architectes de la première Renaissance italienne, dont on découvrira au sein de l’exposition les traités, ont été des artistes de cour, proches des hommes de pouvoir, des princes, des prélats, des monarques. Bien sûr, leur quête de reconnaissance et de protection y est pour beaucoup. Mais plus fondamentalement, cette collusion du « savant et du politique » tient à ce qu’à leurs yeux, l’édification du cadre bâti est indissociable de la production de l’harmonie sociale : faire une cité, c’est à la fois créer un habitat matériel et unir un collectif humain. L’architecture et l’urbanisme participent du « bon gouvernement ». Du coup, si l’architecte est au service du Prince, c’est aussi que le Prince se veut architecte : pas seulement initié à cet art, mais maître dans celui de faire société, d’unir un peuple autour de son pouvoir. De cela, aussi, Chambord est un lumineux exemple : d’une conversation entre le Prince et l’artiste (Léonard et François notamment…) qui bâtissent un château comme on construit un royaume.

Même si Léonard a été consulté à plusieurs reprises sur des projets précis d’architecture ou d’urbanisme, aucune réalisation ne porte néanmoins véritablement sa signature. Et pourtant, l’architecture est très présente dans ses carnets remplis d’exercices qui sont autant de variations sur « l’architecture possible ». Ce sont des dessins qui relèvent plus de la recherche que de la maîtrise d’oeuvre. Recherches techniques et scientifiques, comme lorsqu’il est consulté sur les moyens de consolider le transept de la cathédrale de Milan pour pouvoir installer à son faîte une coupole et une flèche. Recherches formelles, comme dans ces riches séries de dessins où il décline les multiples variations possibles d’églises « à plan centré ». Recherches fonctionnelles, quand il étudie ces « organes de circulation » des villes et des édifices que sont les rues, les canaux, les escaliers, où se joue la gestion des flux. C’est cette propension à chercher toujours des solutions nouvelles qui fait de Léonard architecte à la fois un réaliste et un visionnaire, un pragmatique et un précurseur.

Image ci-dessous :
Photo (C) Archives Alinari, Florence, Dist. RMN-Grand Palais / Fratelli Alinari PDP – Alinari Archives, Florence

François Ier , bâtir un royaume

Negroli Giovanni Paolo (1513-1569) (attribué à). Paris, musée de l’Armée. G 50.

Ayant déployé le contexte historique, l’exposition s’intéresse ensuite à celui qui, d’une certaine manière, féconde ce contexte propice : le roi François Ier, sacré en 1515. Une ère nouvelle commence avec lui, que beaucoup annoncent alors comme un nouvel Âge d’Or.

La victoire de Marignan, en septembre 1515, fait de lui un « second César ». Nourri de l’imaginaire chevaleresque qui constitue son référent intellectuel et idéologique, le jeune roi se voit comme destiné à restaurer l’empire de Constantin ou celui de Charlemagne, et à relancer les croisades pour la reconquête des Lieux Saints. L’ambition de François Ier est avant tout d’occuper la place de chef temporel – et militaire – du monde chrétien : la place que s’était donnée Constantin en se convertissant en 313, celle qu’avait occupée Charlemagne au début du IXe siècle, celle qu’avaient occupée les empereurs byzantins. Son élection au titre d’empereur du « Saint-Empire romain germanique » aurait pu lui donner officiellement cette mission. Les électeurs en décidèrent autrement : ce fut à Charles Quint qu’il revint de rebâtir l’Empire.

Le rêve se fissure avec cette élection (juin 1519), puis avec la défaite de Pavie (février 1525). Mais c’est au cours de ces années flamboyantes que Chambord est conçu.

François Ier n’a de cesse d’apparaître comme un roi protecteur des arts et des lettres, mais également comme un roi bâtisseur, à l’instar des rois de France Philippe Auguste et Charles V ou plus récemment, en Italie, des Montefeltre, Sforza et bien d’autres qui avaient été des « princes-architectes ». Avec les princes et prélats italiens, il partage l’idée que la « magnificence » se mesure à la qualité de ses entreprises architecturales. Et de fait, à partir de son règne, c’est dans les projets royaux que se concentre l’innovation architecturale en France. Il imprime sa marque dans les onze chantiers d’aménagement ou de construction qu’il lance, d’abord en Val de Loire (Blois, Amboise, Chambord), puis en Île-de- France (Madrid, Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Villers-Cotterêts, etc.). Maître d’ouvrage, mais sans doute davantage : François Ier prend le crayon et dessine s’appropriant « l’art du disegno », il se veut concepteur d’édifices, capable de jouer lui-même le rôle de celui qu’en Italie on appelle déjà « l’architecte ».

Titien (dit), Vecellio Tiziano (vers 1489-1576). Paris, musée du Louvre. Inv753.

Limosin Léonard (vers 1505-1575) (attribué à). Paris, musée du Louvre. MRXIIIsuppl.211;N1245.

 

Construire Chambord

Cette troisième section de l’exposition présente des éléments relatifs au chantier lui-même. Si la documentation sur la construction de Chambord est très lacunaire, l’historien du XVIIe siècle André Félibien a néanmoins pu consulter et résumer ces archives dans ses Mémoires pour servir à l’histoire des maisons Royalles et bastimens de France.

Quelques autres documents ont été retrouvés depuis et, récemment, les fouilles archéologiques ont apporté de précieuses informations.

À la mort du roi, en 1547, Chambord n’est pas achevé, et le chantier est moins actif. Mais entre 1519 et cette date, avec une interruption de plus de deux ans de l’été 1524 à l’été 1526, Chambord fut un immense chantier. On verra dans l’exposition plusieurs éléments archéologiques retrouvés dans les fouilles, des éléments lapidaires conservés depuis le XIXe siècle, ainsi qu’une spectaculaire reconstitution à l’identique des fondations du château, soit une structure de 5,50m de hauteur sur 1m de largeur montrant  les différentes « couches ». Le visiteur entrera ainsi de plain-pied dans la construction du monument.

Ensemble de 8 dés à jouer mis au jour dans les fosses d’aisance du château Anonyme XVIe siècle Os, corne Domaine national de Chambord

Porte sculptée d’une salamandre couronnée provenant du château de Chambord XVIe siècle Chêne sculpté Paris, Musée du Louvre ; Département des objets d’art

Targette en F couronné provenant du château de Chambord Fer forgé Début du XVIe siècle Écouen, Musée national de la Renaissance – Château d’Écouen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Objets d’art, menuiseries anciennes, fragments d’architectures ou encore dessins viendront ensuite expliciter l’emblématique de François Ier si présente dans le décor de Chambord, semé des insignes monarchiques, couronnes et fleurs de lys, mais aussi des emblèmes propres à ce roi : la salamandre, le monogramme en « F », la cordelière en 8. La section s’achève par une série de références à Chambord qui manifestent que, très vite, le château a été pris comme modèle de palais idéal.

Chambord, allégorie du royaume

Et Léonard ?...

Mais le mystère de Chambord dépasse de beaucoup le chiffre mystérieux qu’on ne trouve que sur ce seul château du roi François : pourquoi avoir bâti une telle splendeur démesurée au milieu de nulle part, dans ce qui était un « désert » inhospitalier cerné de marécages ?

On sait que le roi voulait une résidence de chasse, où la « petite bande » puisse passer de courts séjours, et il est vrai que l’endroit était giboyeux. Mais il voulait en même temps que Chambord soit une merveille donnée à l’admiration du monde. Du coup, les raisons de Chambord ne sont pas à chercher dans les fonctions auxquelles il aurait pu répondre, mais dans les significations que l’architecture y exprime. En cette époque où la pensée analogique règne, Chambord est une gerbe d’allégories où se mêlent le politique et le religieux. Ce château est avant tout un exercice de rhétorique monarchique : le rêve d’un roi.

Certes, il n’a pas été « l’architecte de Chambord », d’abord parce que ce château est une oeuvre collective, dans laquelle le roi François Ier a joué un rôle central tout au long de sa construction, ensuite parce qu’à la différence de Romorantin, on ne connaît aucun dessin de Léonard qui soit directement relatif à Chambord. En revanche, les conversations que le roi a probablement eues avec le vieil artiste ont profondément marqué le projet architectural de Chambord, y laissant d’incontestables « signatures ». On l’a dit du « plan centré » et de l’escalier. Mais il y a plus.

 

Codex Atlanticus : Répartition du cercle et de la quadrature (Fol. 471) Léonard de Vinci 1478-1519 Manuscrit sur papier Veneranda Biblioteca Ambrosiana, Pinacoteca, Milan (Italie)

À la fin de sa vie, compte tenu de son état de santé, Léonard était essentiellement préoccupé de questions spéculatives : le « savant-philosophe » avait pris le pas sur l’artiste-ingénieur. Il voyait le monde comme un jeu de forces où la dynamique des fluides (l’eau, l’air, le sang) engendrait les formes ; il avait médité sur le problème de la « quadrature du cercle » et envisageait une géométrie dynamique, où les formes se métamorphosent les unes dans les autres. Son objet de prédilection, au centre de cette méditation, était la spirale tourbillonnante : la forme qui naît du mouvement. L’expert des machines était devenu théoricien de la grande machinerie du monde. Pour saisir comment ces thèmes se sont inscrits au coeur de l’architecture de Chambord, il faut maintenant en venir à ce qui était, en 1519, le projet initial. Il faut faire renaître l’utopie primitive de Chambord : un donjon en « svastika », planté au milieu d’un « désert ».

En conclusion de l’exposition, après la pièce finale consacrée aux trois dessins originaux de Léonard de Vinci, un film exceptionnel, créé pour l’exposition, montrera au spectateur le projet initial du château, jamais réalisé, sur lequel plane le génie concepteur du vieux Maître, mort quelques mois avant le début du chantier…

LA DIMENSION CONTEMPORAINE : CHAMBORD INACHEVÉ

Sous le commissariat de Dominique Perrault

Chambord inachevé

Chambord est un château exemplaire dans l’étonnante série de bâtiments que le roi François Ier fit construire tout au long de sa vie. Le projet initial de Chambord ne fut pourtant jamais totalement achevé. Le terme « inachevé » s’y donne à lire dans sa signification immédiate, une architecture inaboutie, mais également à l’aune des utopies étroitement liées au contexte intellectuel, politique et artistique de son époque, l’une des plus fertiles de l’architecture française. Cette lecture du site a servi de base à une réflexion proposée par Dominique Perrault et soutenue par le Domaine national de Chambord, visant à célébrer cette année anniversaire en sollicitant l’inventivité des architectes de demain. Un appel à projet pour réenchanter en 2019 Chambord sous les auspices de l’utopie.

18 universités pour réinventer Chambord

Lancé en 2018, l’appel à projet « Chambord inachevé » a abouti en mars à la sélection de 18 universités à travers le monde. En prenant pour appui l’architecture du château, un faisceau de projets proposant de relancer l’utopie architecture de Chambord a été développé par les laboratoires choisis, à partir de positions culturelles et géographiques très diverses. Autant de visions pour un Chambord « achevé » ou « réinventé », visant à ouvrir la réflexion sur le réel par la représentation fictionnelle. À partir de photos, de plans, de relevés 3D, d’images de synthèse mais aussi, pour certains, de visites voire de séjours sur place, les étudiants ont imaginé plusieurs Chambord adaptés aux scénarii qu’ils ont situés en 2019 ou dans un futur plus ou moins proche. Le château de François Ier a même inspiré plusieurs projets à certaines universités qui en présenteront une sélection ou la totalité.

Sur cette vidéo, découvrez 3 des 18 projets proposés pas les écoles d’architecture de « Chambord inachevé ».

Crédits
©SCI-ARC. Southern California Institute of Architecture.
©ENSA Nancy
©Seoul National University

Visites guidées

Visite pour le public individuel (1h30)
Le Domaine national de Chambord propose au public individuel, dans la limite des places disponibles, une visite guidée pour découvrir les grands thèmes et œuvres phares de l’exposition.
Renseignement et vente en billetterie, auprès de la réservation et directement en ligne.

Visites groupes (1h30)
Sur le même principe, des visites pour les groupes d’adultes peuvent également être organisées sur demande (20 personnes maxium).
Renseignement et réservation auprès de la réservation.

Visite pour le public scolaire (1h30)
Le service éducatif de Chambord propose au public scolaire (de la primaire au lycée) une visite guidée de l’exposition adaptée à l’âge des enfants et au programme de la classe. Un dossier enseignant sera prochainement disponible auprès du service de la réservation ou du service éducatif. Contact : service.educatif@chambord.org

Visites prestiges (1h30)
Visite de 1h30 à la fermeture du château ou en journée suivie d’une coupe de champagne.

Renseignements et devis auprès du service évènementiel
Tel : 02 54 50 50 12 ; evenements@chambord.org

Visite intime de l'exposition

Visite organisée après la fermeture du château (19h00) pour une découverte privilégiée de l’exposition en compagnie d’un guide.

Durée : 1H30

Groupe limité à 25 personnes

Tarif : 25 euros par personne

Informations et réservation : +33 (0)2 54 50 50 40 / reservations@chambord.org

Informations pratiques

Exposition « Chambord, 1519-2019 : l’utopie à l’œuvre »

Du 26 mai au 1er septembre 2019

2e étage du château de Chambord

Accès compris avec l’entrée du château et des jardins à la française

Gratuit jusqu’à 26 ans (ressortissants de l’Union européenne)

Scénographie : Agence Nathalie Crinière (Paris)

Commissariat : Dominique Perrault, Roland Schaer

Commissaires associés : Yannick Mercoyrol, Virginie Berdal

Mécénes et partenaires de l'exposition

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