#retoursurimage (8) Exposition Philippe Cognée à Chambord

Retour en images # 8 : exposition Philippe Cognée à Chambord (du 18 mai au 12 octobre 2014)

Considéré comme l’un des meilleurs peintres français aujourd’hui, Philippe Cognée a proposé à Chambord une exposition centrée sur le genre du portrait, souvent mis à l’honneur dans les résidences royales.

Si certaines de ses fameuses toiles d’architecture urbaine conçues à partir de Google Earth ont été présentées à Chambord, l’artiste a également créé pour cette exposition de 2014 des œuvres sur le thème de la consommation de masse, des paysages, des portraits, des vanités et des représentations du château, traversant ainsi plusieurs des genres classiques de la peinture.

Au total, près de 70 œuvres ont été accrochées au second étage du château pendant cinq mois, faisant de l’exposition de Chambord, avec celle du musée de Grenoble en 2013, une des plus importantes consacrées à Philippe Cognée.

Lors de son séjour à la Villa Médicis (prix de Rome, 1991), Philippe Cognée, né en 1957, invente une nouvelle technique qui va s’imposer comme son processus de travail exclusif sur toile. Il prend des photographies d’objets, de lieux ou de personnes, les projette sur la toile, ou en dessine à grands traits les contours, puis utilise une peinture à l’encaustique (mélange de cire d’abeille et de pigments), pour placer ensuite un film transparent sur la surface peinte qu’il chauffe au fer à repasser : cette opération liquéfie la cire, fait déborder contours et couleurs, et déforme le dessin initial. Enfin, l’artiste détache le film de la toile, créant des arrachements divers sur sa surface. Cette technique provoque un effet singulier : le rendu objectif de la photographie fait place à un effet de flouté, de liquéfaction, voire de disparition partielle du motif qui s’oppose au réalisme de la photographie, de sorte qu’une certaine d’abstraction travaille la figure représentée. Le brouillage des formes, une certaine fusion chromatique, un véritable travail dans la matière confèrent une sensualité ambiguë à son œuvre, et créent un espace où le spectateur peut s’investir selon sa sensibilité.

A la fois charnels et distanciés, les motifs de Cognée sont pourtant ceux du réel le plus quotidien, traversant tous les genres de la peinture classique : paysages urbains ou champêtres, portraits, natures mortes, vanités… Ils sont à la fois proches (éléments du quotidien) et étranges par le traitement que le peintre leur fait subir, flottant dans un espace d’indécision qui arrête le regard et le questionne. Par le déplacement opéré, le véritable sujet devient la peinture elle-même, qui manifeste sa puissance de présentation du réel.

A Chambord, Philippe Cognée a rassemblé une trentaine de toiles, mais aussi des dessins et des aquarelles, dont beaucoup d’œuvres nouvelles ou rarement montrées. L’exposition, rassemblant au total une soixantaine d’œuvres, est conçue autour de la question (et non du genre) du portrait, en écho aux galeries de portraits qui ornaient bien souvent les demeures royales. Mais là où ils manifestaient auparavant une véritable iconographie du pouvoir, les portraits contemporains de Ph. Cognée affirment en contrepied la fragilité de la vie humaine dans ces figures en lisière d’évanescence, minées par la disparition déjà en cours, travaillés par les crânes des vanités qui émaillent également l’exposition. Et sans doute que la coexistence, dans l’exposition, de « véritables » portraits et de paysages (vues de train, tableaux réalisés à partir de Google Earth) ou de natures mortes (poissons, quartiers de viande) montraient, au fond, que tout est portrait chez cet artiste, que tel arbre, telle maison, tel bœuf écorché sont réalisés comme des portraits, individualisés par la vision du peintre et saisis dans leur singularité, dans la violence de leur rapport au regard. Selon une conception des solitudes modernes que la peinture peut, un instant, arracher au flux des consommations et du mouvement mortifère de nos sociétés contemporaines, avec une lucidité sans concession, mais également un attachement à leur étrange beauté. Une beauté à laquelle l’artiste, coûte que coûte, refuse de renoncer.

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